Un texte écrit grâce à mes apprentissages avec docteur Marie Beaumont (CHU Amiens)
Dès à présent, je souhaite que le jour de
mon autogreffe se passe comme je l’imagine…
Je me réveille caressée par la douce lumière d’un matin
ensoleillé. Dehors, le ciel et bleu et je regarde passer des nuages comme des
pensées vagabondes. J’entends l’agitation de l’hôpital depuis ma chambre
solitaire dans laquelle je me sens comme dans un cocon protecteur. Dans mon
intériorité.
Aujourd’hui, c’est le jour de mon autogreffe, le jour où
tout redevient possible. J’ai hâte de boire ma tasse de Darjeeling, de parler
avec les membres du personnel hospitalier qui, à tour de rôle, entrent en scène
dans une sorte de ballet bien orchestré. Je suis pressée d’aller me laver, de
me préparer alors au contraire, je ralentis la cadence pour vivre chacune de
mes minutes sous la douche en pleine conscience. Energie de l’eau qui purifie,
vivifie, dynamise, réconforte, caresse. J’abandonne mes habits de nuit pour un
petit tee-shirt tout simple et une jupe légère et fleurie. Je suis contente de
l’image que me renvoie le miroir embué : je suis reposée, pas trop rouge
ou trop pâle et j’ai encore mes cheveux ! Un peu de fard sur les yeux, une
brume de parfum citronné et me voici prête à attendre dans le silence de mes
méditations, oraisons et prières.
J’allume dès à présent ma bougie magique à leds, cadeau de ma fille pour la fête des mères, et dispose mes compagnons d’autogreffe :
- Michane, le
doudou lapin offert par mon mari pour me consoler lors du rash cutané sévère
qui a remis en question mon premier protocole, au mois de mars. Il est
réconfortant et je l’embrasse en pensant à l’homme qui m’accompagne du mieux
qu’il peut dans ma maladie. Je sais les angoisses qu’il me cache et je lui
envoie plein de lumière et de confiance pour cette journée particulière. A ma
fille aussi. Et je remercie de les avoir à mes côtés.
- le bien nommé Otto
(comme autogreffe), le gnome espiègle qui symbolise pour moi les forces
souterraines de la nature où j’oublie si souvent de puiser mes racines. Une
phrase de saint Bernard me traverse l’esprit, comme un mantra : « Tu
trouveras bien plus dans les forêts que dans les livres ». Et
c’est vrai, qu’en ce jour, je n’ai pas envie de chercher des réponses dans des textes.
Tout est déjà là.
Sur le tableau blanc, je regarde les dessins de ma fille,
surtout l’oiseau qu’elle m’a offert pour décorer ma chambre d’hôpital. Il me
parle de vent, de plumes, de voyage dans les airs. Énergie du ciel,
complémentaire de celle la terre célébrée par le gnome Otto.
Me voici là, humaine entre le ciel et la terre, à attendre
la renaissance grâce à l’injection de mes propres cellules souches qui sommeillent
depuis quatre ans dans je ne sais quelle chambre froide de laboratoire. Je les
imagine comme des Belles au Bois dormant qui peu à peu vont se réchauffer et se
réveiller dans mes veines et harmoniser mon corps tout entier. Je les aime, je
les attends en me baignant de musique. Cordes vibrantes de la harpe jouée par
mon professeur et ami Régis. J’écoute son album en boucle et je sais que le
hasard (le nom de Dieu pour passer incognito) choisira la bonne musique au
moment de l’autogreffe.
Les infirmières arrivent vers 11h et nous nous sourions.
Je crois que pour elles aussi, c’est un moment émouvant. Je suis heureuse de me
sentir accompagnée.
Je souhaite que ce jour se passe de cette
manière pour trois raisons :
- Pour que mon aplasie soit harmonieuse et sans peurs
- Pour pouvoir sortir d’aplasie dans de bonnes conditions, avec confiance
- Pour œuvrer à ma renaissance, aujourd’hui et demain…